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Le but de ce blog, vous faire découvrir ma passion des sports en pleine nature à travers le trail, le vélo, les voyages ...

12 Jun

Le GR20 "l'histoire d'un groupe": la tempête de neige

Publié par tomrun  - Catégories :  #Trail

Etape 3 : Lieu : Corse, date : samedi 25 mai 2013, la tempête de neige !

 

Au petit matin le ciel est nuageux. A notre départ du refuge, les précipitations débutent sous forme de grésil. Nous empruntons la passerelle, prenons le temps de faire quelques photos et vidéos, sans toutefois traîner afin de se « débarrasser » de ces fameux passages sur les dalles de granit en dévers.Le sol reste sec, le grésil roule, pour le moment il suffit juste de s’assurer sur les blocs ou les chaînes en place.P1020373

Au bout d’une heure, les précipitations s’intensifient. Le chemin se couvre d’un petit manteau blanc, il faut désormais être très vigilant. A l’arrière, Seb, Nico et Bruno partis quelques minutes après nous, sont à vue et déjà encordés. Sur certains passages délicats, je passe en tête afin d’équiper les sections techniques de la corde. Cela rassure le pas des marcheurs moins aguerris à ce type de conditions. La progression est lente, les trois pompiers nous rattrapent rapidement.

Le manteau neigeux atteint désormais les 10 cm d’épaisseur. La recherche du marquage rouge et blanc propre au GR devient une difficulté supplémentaire à notre avancée.

Nous atteignons enfin le névé final. Valéry, Franck et moi, chaussons nos crampons. Nous sommes les seuls du groupe de douze partis ce matin de Carozzu à en être équipés.P1020378

La pente initiale du névé ne dépasse pas les 45° et les marques du GR sont bien visibles. Cela ne dure pas longtemps ! Plus de balise en vue. Nous approchons certainement de la brèche mais aucune visibilité. Nuage (nous sommes « dedans »), fortes rafales de vent et cette neige qui s’intensifie toujours davantage, vient nous cingler le visage. La pente se dressant devant nous, semble bien trop engagée pour être le chemin. Le groupe s’arrête à côté d’un rocher. Nico et moi partons chacun de notre côté durant une dizaine de minutes à la recherche des marques du GR, en vain. Entre-temps, Pascal, qui a déjà parcouru le GR trois fois, a aperçu le rocher en forme de tête d’Indien marquant la brèche en contre-haut …. là où la pente est la plus abrupte ! Sans plus tarder, nous partons avec Nico en reconnaissance. A ce moment les nuages se dissipent et nous permettent d’apercevoir la peinture rouge et blanche sur un rocher éloigné ainsi que la fameuse brèche tant attendue ! La pente est forte, 50 / 55° et même un passage de quelques mètres à 60°.

Nicolas (l’alpiniste du groupe) préconise la méthode de sécurité à mettre en place. Sa corde de 25m partira de la rimaye sous une paroi rocheuse, dans laquelle bien ancré il tiendra une extrémité. La seconde extrémité sera accrochée à l’arbre de l’autre côté du névé. Ce qui nous permettra de le traverser en toute sécurité au-dessus d’un joli « toboggan » de plus de 100 m de dénivelé. Ma corde de 30m servira à l’ascension du névé. Il faut désormais atteindre l’arbre plus haut qui servira d’ancrage. La pente constituée de vieille neige glacée et de cette neige « polystyrène » non stable tombant maintenant depuis plusieurs heures, nous empêche de montée sur le névé sans aide. Un piolet et des crampons pointes avant auraient été nécessaires. Il faut donc passer par la paroi rocheuse qui dispose de quelques prises visibles. Je pose mon sac, accroche la corde à ma taille et attaque cette ascension. Pendant ce temps, Nico installe l’autre corde de traversée et taille de belles marches dans la neige. Cette escalade à travers rochers, neige et glace m’a transi les doigts, je suis obligé de me les réchauffer avant d’installer l’ancrage. Il restera une bonne cinquantaine de mètres à parcourir pour atteindre la brèche. Je redescends immédiatement récupérer mon sac et l’emmène à la brèche.

L’ascension sur le névé à l’aide de la corde et quasi uniquement à la force des bras est compliquée. Pour davantage de sécurité dans les mouvements de nos « deux anciens », Marielle et Daniel, je redescendrai chercher leurs sacs. Nico en fera de même avec le sac de Bruno.

A ce moment, je me dis qu’il est préférable de multiplier les allers-retours avec leurs sacs, que de les récupérer 100m plus bas ! Sans y voir un manque de confiance, j’aperçois auprès de chacun, une fatigue assez prononcée et tout à fait légitime. Cela fait 6h que nous progressons dans des conditions assez extrêmes, s’arrêtant que très peu pour ne pas prendre froid. Les pipettes de camelback sont gelées, des glaçons se forment dans les gourdes ! Marielle et Daniel semblent les plus atteints. Certains signes ne trompent pas ! Daniel s’est fait reprendre par Nico au pied du névé. Lors de la progression, il avait dans ses mains, en plus des bâtons, un chapeau et d’autres accessoires, le sac sur le dos à moitié ouvert. A aucun moment, en cas de chute, il n’aurait pu se reprendre. Quant à Marielle, lors de l’ascension finale à l’approche de la brèche, elle était à bout de forces et avait des difficultés à coordonner ses mouvements. Loin d’établir une critique ou quelconque jugement sur leur compte, je pense qu’ils ne se rendaient pas compte des difficultés du GR20 (même dans de bonnes conditions climatiques au mois de mai celui-ci reste très engagé) malgré leur expérience de randonnée au Népal ou au Pérou. En revanche, force est de constater qu’à aucun moment ils n’ont flanché mentalement. Ils ont toujours cherché à progresser et montrer cette abnégation nécessaire en montagne.

Revenons à cette ascension. Tout le monde arrive un par un à la brèche, le vent se fait de plus en plus fort. Une fois le matériel récupéré nous reprenons immédiatement le chemin. Selon Pascal, plusieurs difficultés nous attendent encore. Durant une petite heure, nous progressons en pleine tempête de neige en contrebas d’une crête et cherchant notre chemin.P1020380

Aucun abri, aucun répit. Il faut juste avancer. J’essaie de trouver le balisage et le tracé qui s’avèrera le moins difficile. Nous devons éviter les pièges. Le pied sur un caillou, le suivant dans un trou avec de la neige à la taille. Nous atteignons le col qui marque la descente finale sur Asco. Il nous reste 500 à 600m de D-. Le changement de versant coïncide avec l’amélioration des conditions climatiques. Plus de vent, les précipitations neigeuses s’estompent. Une éclaircie surgit de nulle part et dans la vallée, le refuge apparaît ! Chacun se remet à blaguer, chose rare depuis ce matin et c’est bon pour le moral. Je retrouve enfin l’usage de mes mains et une partie de mes pieds qui étaient gelés depuis plusieurs heures, rendant les manipulations de corde à nouveau plus aisées. Durant notre descente, nous les installerons à plusieurs endroits escarpés. Pendant ce temps, le refuge jouera à cache-cache derrière les nuages. Un dernier passage de dalle recouvert de neige, un dernier névé et nous atteignons enfin la forêt perchée au-dessus du refuge.

Il est 14h30, il reste environ 45 minutes de marche. Nous sommes partis depuis 6h15 ce matin. Sur le panneau à la sortie du refuge de Carozzu, il est indiqué 5h pour rejoindre Asco ! Aujourd’hui nous aurons mis presque le double de temps.

Nous sommes soulagés de marcher désormais sur des sentiers « faciles » avec « seulement » 20 cm de neige. Mais surtout contents d’être redescendus de la montagne sains et saufs sans aucune blessure à déplorer. Dans ces conditions, je pense que c’est tout simplement exceptionnel.

Nous marchons avec Nico en queue de peloton parlant de nos prochaines épreuves de trail. Peut-être trouverons-nous ça bien « fade » par rapport à cette journée !

A l’approche du refuge, Marielle, Daniel, Edwige, Pascal, Valéry, Franck, Bruno, Sébastien, David et Cyril nous ont fait une ola en guise de remerciements.

Personnellement, je tiens à remercier tout le groupe, car chacun soi-disant « plus faible » ou « plus fort » a trouvé sa place et a insufflé une énergie positive à toute cette cordée. Sans cela, l’histoire aurait certainement été beaucoup plus tragique.

Place au repos bien mérité au refuge d’Asco, où les douches chaudes nous attendent. L’accueil y a été fort sympathique de la part du couple de gardiens : gâteau, eau de vie …

Autour du repas et de bonnes bières nous ressassons chaque moment de la journée attablés près du feu.

Demain se dresse devant nous le cirque de la solitude, la parole a été unanime, nous prendrons le bus jusqu’à la vallée suivante (Calasima) et remonterons directement au refuge de Ciottulu di i mori, shuntant cette sublime étape qu’est le cirque, mais ô combien dangereuse dans de telles conditions d’enneigement.

 

Une dédicace à Valéry :

Dans cet effort commun (reprenant l’expression favorite de M. Domenech en conférence de presse à fin d’un match) je pense pouvoir dire « un groupe est né »

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